Réduction Fillon : l’intérim sous la loupe de la Cour de cassation

L’articulation entre la réduction générale des cotisations patronales et les rémunérations versées aux intérimaires continue de faire débat. Dans un arrêt du 15 mai 2025, la Cour de cassation vient rappeler les exigences strictes imposées à l’employeur pour bénéficier de cette réduction. L’affaire concernait une entreprise redressée par l’Urssaf pour ne pas avoir intégré certaines sommes issues du compte épargne-temps dans la base de calcul du coefficient de réduction. L’arrêt éclaire à nouveau la répartition de la charge de la preuve et le périmètre des rémunérations à déclarer.

Le compte épargne-temps entre dans le calcul

Les juges ont confirmé que les sommes perçues par les salariés intérimaires au titre de l’utilisation de leur compte épargne-temps doivent être intégrées dans la rémunération annuelle utilisée pour calculer le coefficient de la réduction Fillon. Cette interprétation résulte de la combinaison des articles 1353 du Code civil et D. 241-7 du Code de la sécurité sociale. Elle rappelle que tous les éléments de rémunération, y compris différés ou accessoires, doivent être pris en compte dès lors qu’ils sont attachés à la mission.

Obligation de justification mission par mission

La Cour rappelle que c’est à l’employeur de démontrer, pièce à l’appui, le droit à la réduction et le rattachement des sommes à chaque mission concernée. En l’absence de ces précisions, l’Urssaf est en droit de recourir à des méthodes alternatives de calcul. C’est ce qu’elle a fait en s’appuyant sur une lettre ministérielle de 2012, classant par défaut certaines sommes dans la dernière mission connue. Toutefois, la Haute juridiction souligne que cette lettre ne remplace pas les règles de droit en vigueur, et qu’elle n’a de valeur qu’en cas de carence probatoire de l’entreprise.

Redressement annulé faute de base légale suffisante

La Cour casse partiellement l’arrêt d’appel pour avoir négligé d’examiner si l’entreprise était en mesure de justifier les rattachements mission par mission. En conséquence, le redressement est annulé, faute de base légale suffisante. Ce rappel de rigueur judiciaire illustre l’importance, pour les employeurs d’intérimaires, de conserver des données précises et détaillées sur chaque contrat et les sommes qui y sont rattachées, notamment celles affectées au CET.
 
Cette décision renforce la vigilance attendue des employeurs dans l’application de la réduction Fillon aux contrats temporaires. À défaut de justification claire, l’Urssaf pourra appliquer une méthode subsidiaire, avec les conséquences que cela implique. La traçabilité des éléments de rémunération s’impose comme une exigence incontournable.
 
Cass. soc., 2e civ., 15 mai 2025, n° 23-12.372, B