Trop-perçu par la sécurité sociale : pas de réduction possible de la dette

Lorsqu’un assuré perçoit à tort des prestations sociales, il est tenu de les rembourser intégralement, même si l’erreur provient de la caisse. La Cour de cassation confirme que le juge ne peut pas réduire la dette de remboursement sur le fondement du droit commun. Un régime dérogatoire s’impose, au détriment de l’équité.

Un régime spécial qui exclut le droit commun

Dans une affaire jugée, un assuré avait perçu à double des indemnités journalières. Le tribunal judiciaire, tout en reconnaissant l’indu, avait réduit la somme à rembourser, invoquant l’article 1302-3 du code civil, qui permet une atténuation de la dette en cas de faute du créancier. Saisie par la caisse, la Cour de cassation casse cette décision : seul l’article L. 133-4-1 du code de la sécurité sociale s’applique. Il ne prévoit aucune possibilité de modulation. Le juge judiciaire n’a donc pas compétence pour réduire l’indu, même en cas de faute manifeste de l’organisme.

Un régime protecteur… pour l’organisme, pas pour l’assuré

Cette décision n’est pas nouvelle. Elle s’inscrit dans une jurisprudence constante qui confirme l’existence d’un régime juridique autonome en matière de remboursement des indus sociaux. Ce régime bénéficie à la sécurité sociale, qui conserve un droit strict au recouvrement. Et pourtant, l’erreur est ici imputable à la caisse, qui a manqué de vigilance. Pour l’assuré, souvent en situation précaire, il est peu réaliste d’espérer rembourser des sommes déjà consommées. Le droit commun aurait permis au juge de tenir compte de ces réalités, mais ce levier est écarté.

Un déséquilibre qui interroge

La décision révèle un déséquilibre : l’organisme public dispose d’un droit à remboursement inconditionnel, tout en étant autorisé à percevoir une pénalité en cas de fraude, ce que ne prévoit pas l’inverse. Cette dissymétrie est d’autant plus marquante que, dans d’autres branches du droit, la faute du solvens peut neutraliser ou limiter la restitution. Ici, l’équité est sacrifiée au nom de la rigueur financière, alors même que la faute de l’organisme peut causer à l’assuré un préjudice équivalent à la dette exigée.
 
Face à une dette sociale dépassant les 290 milliards d’euros, l’enjeu de sécurisation des prestations est capital. Mais cette logique budgétaire ne doit-elle pas être tempérée lorsqu’un assuré de bonne foi, sans avoir profité d’un système, se retrouve débiteur malgré lui ? La question reste ouverte, mais la réponse du droit positif, elle, est claire : le juge judiciaire ne peut rien faire.
 
Réf : Civ. 2e, 4 sept. 2025, F-B, n° 23-15.180